Revue Stradivarius

Critique du roman Stradivarius, de Fran J. Marber

Titre : Stradivarius

Auteur : Fran J. Marber

Editeur : ECU

Année : 2018

Pages : 245

Genre : Drame d’époque

Qualification:

Synopsis.

Un orphelin muet de quatorze ans pourrait être le parfait apprenti pour un luthier aussi ambitieux qu’Antonio Stradivarius, car c’était quelqu’un qui n’avait pas de famille, et donc aussi d’un passé récent. Il était la personne idéale pour qu’un professeur façonne à son image et à sa ressemblance, celui qu’il pouvait enseigner sans crainte d’être trahi, révélant tous les sombres secrets d’une guilde aussi hermétique que celle des anciens luthiers de la ville. de Crémone.

Bande-annonce.

Critique.

Pour lire cette merveille de l’histoire, il faut avoir une bonne oreille, un bon nez et un bon goût ; et il faut le faire pour fermer les yeux et entrer comme une note parfaite dans la partition littéraire que Fran J. Marber a composée. Je n’ai pas lu toute sa bibliographie, bien qu’il m’en reste peu, mais je suis convaincu qu’elle est la plus parfaite de ses créatures ; ou du moins celui qui a utilisé le plus de feeling et de savoir-faire.

Ferdinand Solar

‘Stradivarius’ s’inspire, selon son auteur, des manuscrits originaux retrouvés cachés en 1952 entre les pages d’une vieille bible oubliée sur les étagères de l’ancienne bibliothèque de la ville de Crémone, en Italie. Sachant cela, vous prédisez déjà un pouvoir magique, mystique et brûlant qui abritera les 245 pages suivantes, qui sans aller plus loin, débutent par un prologue signé par Ferdinand Solar, l’un des luthiers les plus prestigieux et les plus anciens d’Espagne. Et c’est que Fran sait vernir ses oeuvres importantes, et pour cela il s’entoure et se nourrit de tout ce qui respire l’art, le travail et la magie. Marber est un créateur né : Joaillier, cinéaste, scénariste, écrivain, acteur… Un homme de la Renaissance qui traite chacune de ses créations avec soin et passion, comme seul un Luthier sait le faire.

Ainsi, ‘Stradivarius’ devient un produit parfaitement fini, parfaitement verni, et c’est la clé de tout. Le vernis est peut-être le protagoniste de l’œuvre, ou peut-être le Saint Graal, ou la pierre philosophale ou que sais-je, l’arche perdue qui veut à tout prix être retrouvée par Antonio et Dominique.

Dès la première page, vous entendez la musique, écoutez cette voix off qui vous dit ce que vous lisez comme une de ces grandes voix du cinéma racontant ce que vous voyez. Fran a versé son âme dans ce travail et a légitimement réussi à créer un décor aussi beau et enivrant qu’en prononçant le nom : Stradivarius. Chaque paragraphe est de sentir un coup à la poitrine du romantisme. Chaque chapitre est un déchirement et chaque mot est méticuleusement étudié pour les jouer tous ensemble dans une prose harmonieuse.

«À la fin du XVIIe siècle, on croyait encore que l’âme n’était qu’un autre organe de notre corps.»

Et il le fait sans fioriture, avec le naturel d’un rhapsode expert, avec un langage tantôt lyrique, tantôt troubadour. Fran n’a pas besoin de se vanter de sa littérature parce que sa littérature le fait déjà toute seule, et ici, dans ce livre en forme de violon, ou vice versa, elle a réussi à égratigner l’âme de tous ceux qui ont la chance de le lire .

L’auteur de Lorca a réussi à faire parler un muet. Écouter Dominic parler, c’est comme s’asseoir dans le caniveau d’une vieille rue médiévale, face à un troubadour, et l’écouter raconter l’histoire de sa vie sans avoir à tourner la page d’aucun livre. Honnêtement, ce garçon muet, boiteux et imberbe est l’un des meilleurs personnages littéraires jamais créés (ou que j’ai jamais rencontrés), même au-dessus de Maître Antonio, j’ose dire. Et c’est un autre des trucs ou des secrets de ce roman. Il a réussi, grâce à ce journal et à ce narrateur sans voix, à doter la vie et l’œuvre d’Antonio Stradivarius d’une fiction qui améliore, si possible, la réalité. S’il y a quelque chose de magique dans ce roman, c’est sans aucun doute la relation affective et professionnelle qui se noue entre Antonio Stradivarius et Dominic.

Si quelque chose définit la littérature de Fran, c’est la documentation exhaustive qu’elle fait de chaque sujet à traiter dans ses livres, mais dans ce cas, elle est allée plus loin. Il est entré dans l’inconscient de cette époque romantique, de cet instrument vénéré, de ce grand luthier, de ce son et de cette société dévastée par la misère, la cruauté et la peste noire. Il a réussi à faire sentir à son livre le bois, le vernis et du sang. Il est impossible de ne pas s’immerger dans la transparence avec laquelle l’auteur décrit l’histoire et marche pas à pas dans l’évolution de la belle et singulière relation entre un maître et un apprenti luthier. Dans son développement, l’intrigue vous accompagne subtilement et agréablement vers l’exploration du métier d’artisan de la lutherie. Et pas seulement quelques violons, mais ‘les violons’ avec des majuscules. De cette façon, Fran a su respecter l’essence de la grandeur, exsudant dans son histoire la délicatesse et la crédibilité qu’exige un chef-d’œuvre.

« Un violon a la magie de pouvoir absorber l’âme de celui qui en joue, et l’âme, vous le savez déjà, ne vit qu’à l’intérieur du cœur. »

Stradivarius est un gâchis de littérature de qualité, rappelant les grands classiques mais qui n’a pas besoin de plus d’artifices que de transparence, de plasticité et de goût narratif pour toucher le cœur de chaque lecteur. Une prose aussi simple qu’élégante, belle et compréhensible ; et une histoire vernie de passion, de vie quotidienne et d’obsession.

Je ne le recommande pas, non, ce que je vais faire, c’est féliciter sincèrement Fran et vous remercier d’avoir écrit cette excellente œuvre d’art.

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Site personnel de l’auteur. FRANJ MARBER

le cinquième livre