Marie-Emmanuelle Kervénoël aurait pu ne jamais écrire ce livre. Et pourtant, elle nous offre un témoignage incroyable : celui de sa lutte contre la dépression et sa bipolarité dans son ouvrage paru aux éditions Des Auteurs Des Livres : « Correspondance : l’appel au secours d’un être en souffrance mentale et comment soulager cette détresse ».
Un titre long mais ô combien bien choisi, pour un long témoignage : une histoire vraie, comme on en fait (malheureusement) beaucoup trop. Marie-Emmanuelle est malade. Ses souffrances mentales l’empêchent de s’épanouir, mais surtout de vivre. Souvent moquée et sous-estimée par de nombreux individus ignorants aux préjugés bien marqués, oui, la dépression est une maladie. Si vous l’ajoutez à la bipolarité, le cocktail est encore plus destructeur. Très édifiant par son contenu, ce livre compile des échanges avec l’association SOS Amitié. Le récit de Marie-Emmanuelle n’est pas une lecture de plaisir, que l’on lit pour se détendre et s’apaiser l’esprit. C’est un véritable défi, mais un challenge que l’on peut remporter, avec une bonne dose de foi, du courage, un bon suivi psychologique et une oreille attentive… En somme, ce livre représente un message d’espoir pour celles et ceux qui ont déjà eu ou qui ont encore des pensées suicidaires. Attention, néanmoins, à ne pas vous brûler les ailes. En effet, le contenu de ce livre peut être si éprouvant que vous pourriez vous sentir affaibli. Il est donc important de le conseiller à des personnes qui ont le cœur bien accroché ou pour qui le suicide n’est pas un « trigger ».
SOS Amitié ou comment tenir la tête hors de l’eau quand on coule…
Cette société française fondée en 1960 à Boulogne-Billancourt a pour but d’assister les individus en proie à une souffrance psychologique. L’idée est de répondre au téléphone aux appelants, des anonymes venus de tous horizons. Peu importe votre origine, religion, orientation, passé, vous êtes entendu et pris en charge. La personne à l’autre bout du fil prend en compte votre témoignage, car vous êtes important. Nombreux sont ceux à se suicider, car ils se sentent isolés au point de s’estimer si peu importants aux yeux du monde. Quand on se confronte au chiffre, soit 700 000 appels par an, on se rend compte qu’appeler SOS Amitiés, ce n’est pas si rare. Ce n’est pas non plus une honte, et c’est peut-être ici la volonté de l’auteure, quand elle nous présente un tel ouvrage : soyez vous-même et écoutez votre souffrance. Parlez-en ! Revenons-en à Marie-Emmanuelle… L’auteure commence à correspondre avec SOS Amitié après une tentative de suicide ratée en octobre 2018. Ses lettres intenses et tristes démontrent un état changeant, oscillant entre la dépression et l’euphorie. Grâce à ce dialogue, Marie-Emmanuelle évoque les quelques espoirs qu’il lui restent. Parmi eux, ses croyances spirituelles. Dieu et les prières l’aident à rester en vie, malgré un état parfois catastrophique. Son chemin de vie la mène même à envisager une retraite spirituelle, à faire comme les nonnes et les moines qui se recueillent dans des monastères.
Dans ce long témoignage, qui prend parfois des airs de journal, Marie-Emmanuelle constate les effets de sa maladie sur sa vie quotidienne, ses interactions avec les autres… Elle mentionne aussi des douleurs physiques qu’elle associe à un cancer, ce qui ne fait qu’accentuer son désir de mourir. D’ailleurs, elle n’hésite pas à se confier sur sa frustration vis-à-vis des traitements médicaux et son incapacité à trouver du réconfort dans les activités qui lui apportaient autrefois de la joie. Quand on tombe dans la dépression, tout ce qui nous semblait excitant avant peut devenir terne et morne… On sent dans ses correspondances avec SOS Amitié à quel point ces confidences la soulagent. Les réponses de l’organisme sont à la fois encourageantes et empathiques : on ne peut s’empêcher de ressentir de l’admiration pour les membres de cette association, qui doit se confronter à la misère mentale tout au long de l’année.
« Correspondance : l’appel au secours d’un être en souffrance mentale et comment soulager cette détresse » présente en détails le portrait d’une femme, son auteure, sans prétention et sans artifice. Marie-Emmanuelle se bat tous les jours contre sa bipolarité et la dépression. Selon elle-même, sa vie est « gâchée, elle est aussi douée d’un don pour l’écriture. Dans l’océan de ses souvenirs, elle peut puiser dans des instants particulièrement joyeux : la plupart de ces fragments sont des souvenirs liés à l’église, comme le moment de sa communion. Un jour, elle franchit le pas et envisage la retraite religieuse dans un établissement spécialisé. Selon elle, cette expérience est contemplative, sereine… Mais elle n’est pas « la » réponse à tout. En effet, les difficultés sont toujours bien enracinées dans son quotidien et il est difficile pour Marie-Emmanuelle de lutter contre ces pensées suicidaires, de véritables parasites qui vont et viennent indéfiniment.
Heureusement, l’auteure, qui est aussi le « personnage » principal du livre, peut compter sus SOS Amitié, qui répond toujours présent pour pouvoir l’accompagner, au quotidien.
Bien que les bénévoles ne soient pas là pour apporter des solutions miracles, guider une personne vers le chemin de l’apaisement ou dissuader une personne de s’ôter la vie, n’est-ce pas un miracle en soi ?
Si vous êtes vous-même confronté à des pensées noires, le numéro de prévention de lutte contre le suicide est le 3114. Ne restez pas seul face à votre détresse, car vous êtes important. Votre vie a de la valeur, et le témoignage de Marie-Emmanuelle incarne l’espoir dont nous avons tous besoin, à un moment ou à un autre de notre vie. Aussi fragile soit-elle, elle mérite d’être soignée, choyée, comme nous aimons prendre soin des autres… Une belle leçon d’humilité et de spiritualité, brillamment mise en mots par un esprit disloqué, mais plus sincère que jamais.
Site de l’auteur : www.marieemmanuelle-kervenoel.fr