Une œuvre marquante de l’enfance tragique
Lorsque l’on aborde « Vipère au poing », somptueuse œuvre littéraire de Hervé Bazin, c’est en fait l’adolescence tumultueuse et la rébellion légitime que l’on est appelé à examiner. Paru en 1948, ce roman autobiographique est le premier volet de la trilogie des « Hauts de Hurlevent français » qui dépeint la lutte acharnée pour la survie et une enfance opprimée. Dès les premières lignes du livre, on est happé par la violence et la cruauté de l’image qui s’esquisse. Mais avant de plonger dans les méandres de la conclusion de ce grand classique de la littérature, remémorons-nous brièvement le récit.
Le serpent dans le jardin familial
Dépeignant l’enfance de Jean Rezeau, surnommé Brasse-Bouillon, le récit nous mène à travers une série de luttes acharnées, de complots familiaux et de rébellions ouvertes – presque toutes visant sa propre mère, Folcoche. Appelée ainsi par ses propres fils comme une combinaison « folle » et « cochonne », la mère Rezeau est une figure autoritaire et tyrannique qui règne avec une cruauté inquiétante sur sa maison et sa famille. Ses fils, Brasse-Bouillon et ses frères Frédie et Cropette, subissent les humiliations, les punitions sévères et le totalitarisme maternel indignes d’une figure d’autorité maternelle.
Un combat silencieux
L’immense force de « Vipère au poing » réside dans la façon dont Hervé Bazin utilise le combat silencieux de Jean, le personnage principal, pour illustrer les ruptures familiales, l’abus de pouvoir et la résistance. Au fil des pages, la maison de la famille Rezeau, appelée « la Belle Angevine », devient le théâtre de batailles infernales où les enfants cherchent à échapper au joug de leur mère. Malgré les échecs, Brasse-Bouillon et ses frères parviennent à entretenir une lumière d’espoir et de résilience à travers l’ensemble du récit.
L’heure des révélations
En approchant du dénouement, « Vipère au poing » garde son ton intense et incisif. Brasse-Bouillon, le dernier de la fratrie encore à la maison, découvre un secret qui change la donne : le testament de son père lésant Folcoche au profit des enfants. Il entreprend alors la plus grande action de résistance contre sa mère. Armée de son autorité, elle l’enferme au grenier mais malgré la faim et le froid, il refuse de capituler.
Pour une liberté chèrement acquise
Comment conclure un livre aussi intense ? Bazin le fait de façon surprenante et poignante. Lorsque la mère apprend que son fils détient le testament et menace de la ruiner, une violente confrontation éclate. Brasse-Bouillon avoue sa découverte, ce qui contraint Folcoche à négocier une trêve : elle accepte de rendre une certaine liberté à son fils, en échange de quoi il ne révèlera pas le testament.
Ce climax marque un tournant important dans le récit. La figure autoritaire est enfin contrainte de donner du lest, preuve que la résistance finit par payer. La conclusion de « Vipère au poing » est donc un véritable cri d’espoir : malgré l’oppression et l’injustice, chaque individu a les moyens de combattre les injustices et de modifier le cours de son destin.
Vipère au poing, plus qu’un récit sur la résilience et la rébellion, est une véritable étude sur le pouvoir, l’autorité et l’inégalité au sein du cercle familial. Hervé Bazin nous livre un roman sombre mais aussi magnifiquement éclairant sur les capacités de l’être humain à surmonter les épreuves les plus rudes, à se battre pour sa liberté et à résister face à l’injustice. Une histoire qui, presque 70 ans après sa publication, demeure d’une actualité surprenante.