Critique du roman Carver’s Coin
Titre : Carver’s Coin
Auteur : Javier Morales
Editeur : Kingdom of Cordelia
Année : 2020
Pages : 132
Qualification:
Synopsis de l’ouvrage
Dans Pièce de tailleur huit histoires sont recueillies qui oscillent entre le quotidien et l’extraordinaire, entre une enfance rurale, une jeunesse d’évasions et d’illusions et un âge adulte de pertes et de nouvelles évasions. Il y a un narrateur biographique et des allusions passionnantes à des écrivains morts trop tôt.
A propos de l’auteur
Xavier Moraux Il est journaliste et diplômé en droit. Il enseigne l’écriture créative à l’atelier Clara Obligado et à la École des écrivains. Il tient une chronique dominicale sur les livres, Rest Area, dans le magazine l’étonnant. Il a publié les romans : Petites biographies sur demande (2013) et pneus de travail (2016); recueils d’histoires : L’adieu (2008), Lisbonne (2011), huit étages et demi (2014) et les essais : Le jour où j’ai arrêté de manger des animaux (2017) et Aire de repos (2018).
Examen des pièces de monnaie de Carver
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Ce n’est pas par hasard qu’en Pièce de tailleur trouvons des dessins de Edouard Hopper illustrant chaque histoire. La sensation de temps arrêté, de mélancolie et de solitude qu’exhalent ses peintures se respire aussi dans les histoires qui font partie du livre. Ce sont des fragments de vie, des épisodes apparemment petits mais dotés d’une signification vitale.
J’ai parcouru attentivement les pages de cet ensemble d’histoires, voulant savourer chaque paragraphe. Ce sont les livres que j’apprécie le plus : ceux que je lis lentement parce que je n’ai pas envie de les finir, et moins ceux que je dévore avec délectation, pris dans l’intrigue. J’ai dosé les histoires. En premier, « L’heure du tabac »Morales nous transporte à la campagne, peut-être dans le monde rural de sa propre enfance, dont il souhaite sortir, à la fois redouté et désiré. Dans le second, il raconte une rencontre au cimetière allemand de Yuste. Une rencontre à la frontière entre l’adolescence et la fuite vers la jeunesse. Des références littéraires commencent à apparaître, le livre est truffé de métallittérature, des noms qui nous interrogent. J’avoue qu’ils ont suscité en moi de la curiosité et, après lecture, j’ai recherché les écrivains dont il parle : j’ai lu plusieurs autres histoires du célèbre Raymond Carver, des poèmes de Ange Campos Pampano et un texte de José Antonio Gabriel y Galán. J’aime les livres qui parlent d’autres livres et d’autres auteurs, les livres qui m’émeuvent, qui incitent à la recherche et à la curiosité, qui découvrent de nouvelles manières de lire. Des livres comme celui-ci.
L’histoire qui donne le titre au volume raconte aussi une rencontre fortuite, celle du narrateur avec nul autre que son admiré R. Carver. En même temps, il lit une histoire du même écrivain américain qui révèle un changement de vie inévitable et peut-être douloureux. Et il parle de la carrière de Carver, du succès à la fin de sa courte vie, leurs enfers quotidiens, de la paix que ces dernières années. L’histoire nous interpelle aussi : elle présente des moments minimes qui précèdent de grandes décisions, des basculements vitaux annoncés.
« La ville blanche » est Lisbonne, la même que le protagoniste visite lorsqu’il est un jeune homme prêt à conquérir le monde et, des années plus tard, en tant qu’adulte désabusé, à la recherche de la lumière dont il a besoin. Une fois de plus, les pas d’un écrivain admiré, Campos Pámpano, guident ses pas et ses souvenirs. Je pensais que nos propres empreintes et la compagnie de la littérature que nous aimons peut nous aider à refaire surface dans les moments difficiles.
Javier Morales lui-même avoue qu’il y a un certain désenchantement dans ces histoires, que les personnages vivent parfois dépassés par le quotidien. « Le monde que nous laissons à nos enfants n’est certes pas très encourageant, car il est mou, mais je crois en même temps qu’on ne peut pas perdre espoir. Je trouve constructif de savoir valoriser chaque instant de notre vie. Aussi effrayant que soit le monde, c’est un luxe d’être ici. » « Je n’écris pas tant pour obtenir des réponses que pour poser des questions auxquelles je sais qu’il est impossible de répondre. Avec mes histoires, j’essaie de m’expliquer certaines de ces incertitudes, d’éclairer un peu le chemin. La fonction des histoires est qu’elles sont une bougie dans le noir.
La lecture m’a laissé un arrière-goût de nostalgie, mais, en même temps, d’espoir dans le pouvoir de guérison des livres et de l’art. Il y a ceux qui parcourent des milliers de kilomètres rien que pour admirer un tableau de Hopper au musée Thyssen ou qui se sentent capables de réinventer une histoire de Tchekhov. Tout n’est donc pas perdu. Perdez-vous, lecteurs, dans les pages de ce livre et profitez de la littérature qui se développe à l’intérieur et à l’extérieur de chaque histoire.