critique du roman du crématorium
Par Paco Rabadán Aroca
« Quand la télé a besoin d’un livre »
Travail : Crématorium
Auteur : Raphaël Chirbes
Éditeur : Anagramme
Pages : 424
Année 2007
Genre : Thriller
A propos de l’auteur
Raphaël Chirbes (Tavernes de la Valldigna, 1949 – 2015). Il est l’auteur des romans Mimoun, Dans le combat final, Les bonnes paroles, Les coups du chasseur, La longue marche, La chute de Madrid (Prix de la critique valencienne), Les vieux amis (Prix Cálamo), Crematorium (Prix de la Crítica , Prix de la critique valencienne, Prix Cálamo, Prix Dulce Chacón et avec une adaptation télévisée très réussie), et On the Shore (Prix national du récit, Prix de la critique, Prix de la critique valencienne, Prix Francisco Umbral, ICON al Pensamiento), qui a été sélectionné comme meilleur roman espagnol de l’année par les suppléments culturels d’El Mundo, El País et ABC, entre autres. Il est également l’auteur de The Perplexed Novelist, The Sedentary Traveler, Mediterranean et On Their Own.
Synopsis de Crématorium
La mort de Matias Bertomeu, l’idéologue qui a changé la révolution violente pour l’agriculture, met en branle les mécanismes qui composent Crematorium. La douleur est un miroir dont l’image renvoie le temps qui s’est écoulé, mais qui ramène aussi l’envers de vies construites sur des fondations sombres : celle du frère de Matías, Rubén, le bâtisseur sans scrupules, torturé par ce qu’il considère comme une vieille trahison familiale ; Silvia, la fille de Rubén, restauratrice d’art bien pensante mariée au hautain Jean Mullorle professeur qui prépare la biographie de Federico Brouard, un vieil ami des Bertomeus, un écrivain alcoolique qui vit l’échec de ses derniers jours ; Ramón Colladol’homme qui a fait le sale boulot du maçon, incapable de monter sa propre entreprise et soumis aux caprices d’une prostituée sans scrupules ; Traian, le mafieux russe, ancien partenaire de Rubén ; Monica, la très jeune et ambitieuse épouse.
A travers ces personnages, Chirbes fait irruption dans la demeure de la vie pour nous offrir un panorama aussi éblouissant que terrible : la famille comme mode d’exercice des valeurs foncières, la spéculation immobilière, l’argent noir, les sales deals et le trafic de capitaux, la drogue, le sexe comme valeur d’échange et comme table à laquelle s’accrocher dans la mer du néant, la corruption comme sève qui parcourt tout le corps d’une société convulsive dans laquelle la destruction du paysage acquiert valeur de symbole.
Dans ce roman sombre, qui aspire à saisir l’ensemble, Chirbes déroule sous nos yeux un monde abandonné des dieux dans lequel les mots et les idées ne sont que des emballages, et l’art et la littérature, des jouets insensés.
Avec son écriture, le romancier s’accroche à un salut impossible par les mots, sachant que la bataille est déjà perdue. Endetté d’une conception morale du roman, Crematorio explore, avec une impulsion narrative implacable, certaines des contradictions les plus douloureuses de l’homme contemporain.
Mon avis sur le crématorium
Je ne découvre rien de nouveau, et je ne convaincrai personne à ce stade, des différences abyssales entre la littérature et le cinéma ou la télévision.
Le caractère multidimensionnel de tout roman est à des années-lumière du meilleur scénario de tous les temps, simplement parce qu’il s’agit de formats différents, peu importe à quel point les éditeurs ou les producteurs sont déterminés (et continuent d’être déterminés) à créer une analogie entre les deux disciplines à couvrir. un spectre de public plus large, plus de marché, en somme.
Et, justement, de ce type d’astuces marketing (quoique beaucoup plus sordides) est le roman de Chirbes dont je veux vous parler ce mois-ci. Mais mon introduction est pertinente car, en théorie, une série télévisée a été réalisée à partir de ce travail.
Et, pour changer, les deux emplois ressemblent à un œuf pour une châtaigne. La série est très bonne et le roman est génial, ne vous y trompez pas, mais ne vous laissez pas berner en pensant qu’après avoir vu la série, il ne sert à rien d’aborder le roman.
Simplement, la télévision avait besoin d’un titre pour sa série et quoi de mieux qu’un roman vendu à des dizaines de milliers d’exemplaires. Le roman reflète l’Espagne de la fin du XXe siècle et du début du XXIe à travers un casting de personnages qui, pour la plupart, font dresser les cheveux sur la tête en raison de leur manque total d’empathie envers autre chose que l’argent et le pouvoir.
Tous apparaissent jumelés à une grande variété d’intrigues où l’auteur valencien cherche à établir des liens causés entre les différents éléments du récit, et pas seulement à décrire une simple succession d’une séquence d’événements.
On retrouve ce genre d’échiquier dans tous les romans de Raphaël Chirbesdonc cet avis sert également à recommander l’un d’entre eux.
Corruption normalisée, la famille comme pilier qui soutient les actions illicites, la spéculation immobilière, la gourmandise déguisée en étoile Michelin, les paysages naturels transformés en lieux de villégiature, le sexe comme monnaie, l’exploitation des immigrés, l’amitié pour l’intérêt.
Un tableau sombre, bien sûr, mais ce n’est ni plus ni moins que la société espagnole qui se reflète dans le miroir d’aujourd’hui.
Il y a ceux qui soutiennent que Don Quichotte est la meilleure photocopie du caractère espagnol de tous les temps, et je dis que c’est parce qu’ils n’ont pas lu ce roman.