«Le Passeur», une exploration profonde de l’utopie
La littérature dystopique a eu un regain de popularité ces dernières années, mais bien avant les hunger Games et les Divergent, il y avait «Le Passeur» (The Giver) de Lois Lowry. Publié en 1993, ce roman pour jeunes adultes a suscité un élan d’émerveillement – et une certaine dose de controverse – pour son exploration profonde du concept d’utopie.
Un monde aux couleurs disparues
Charmante à première vue, la société dépeinte dans « Le Passeur » est sans guerre, sans pauvreté, sans maladie. Tout le monde a un travail, chaque famille est parfaitement structurée et les émotions ne sont que des vestiges oubliés d’un « Passé » trouble. C’est dans ce décor que nous rencontrons notre héros, Jonas, sur le point de devenir « Douze » et de recevoir sa future affectation dans la communauté.
Le poids des souvenirs
Sur la scène des Cérémonies Annuelles, Jonas ne se voit pas attribuer un métier comme ses pairs, mais est choisi comme le prochain Receveur de la Mémoire, un rôle vague mais apparemment essentiel. L’homme qu’il va remplacer, appelé le Passeur, est chargé de toutes les mémoires pré-utopiques – la douleur, le plaisir, l’amour, la haine, tous les souvenirs chargés émotionnellement que la société a décidé de supprimer dans leur quête d’égalité et de tranquillité.
Un voyage vers la vérité
Ce qui suit est un voyage intense et troublant dans la vérité de l’existence humaine, Jonas vivant toutes ces émotions pour la première fois grâce aux souvenirs transférés par le Passeur. En même temps, le troublant sous-texte dystopique de leur société est révélé, de l’euthanasie des personnes âgées aux « libérations » des bébés non conformes.
La révolte de l’individualisme
Révolté par ces découvertes et par la vie sans saveur vécue par ses pairs, Jonas décide de fuir, espérant que les souvenirs qu’il a reçus retourneront à la population et ébranleront le statu quo. Après une fuite périlleuse et pleine de privations, il atteint la limite de sa communauté.
Une fin ouverte à l’interprétation
C’est ici que la fin ouverte et largement débattue du livre entre en jeu. Jonas et le bébé qu’il a sauvé, Gabriel, arrivent à ce qui semble être une maison accueillante dans un paysage enneigé, avec ce qui ressemble à de la musique en provenance de l’intérieur. Mais tout n’est pas clair, alors, survivent-ils ou est-ce une hallucination de Jonas mourant de froid et d’épuisement?
Lowry a volontairement laissé la fin ouverte à l’interprétation du lecteur. Certains croient que Jonas a réussi à trouver une société différente, vivante et vibrante avec toutes les nuances de la vie humaine que sa propre communauté a supprimées. D’autres pensent que le jeune garçon a succombé à l’hiver, la maison et la musique étant une vision de son esprit moribond.
Une conclusion?
Dans tous les cas, l’impact de « Le Passeur » est indéniable. Il présente un questionnement puissant sur le coût de l’ignorance choisie, sur la valeur de l’individualité et de l’émotion, et sur le risque et la récompense de la connaissance. Quelle que soit l’interprétation que l’on donne à la fin, le voyage de Jonas soulève des questions pertinentes qui résonnent encore bien après la fermeture du livre. Un rappel que perdre notre humanité au profit de la perfection est un coût trop élevé à payer. Alors, le bonheur parfait, à quel prix ? Un questionnement qui reste plus que d’actualité.